critiques


Joseph Mouton

Prologue. Cela fait longtemps que Lidwine Prolonge a repéré ce mot de prologue et l’a élu parce qu’en faisant faire au u une cabriole (un demi-salto arrière) par-dessus le g de façon qu’il retombe sur ses deux bras (devenus ses deux pattes), on obtient le mot de prolonge, qui est le nom de l’auteur, son pseudonyme vrai. Lire la suite

Thomas Clerc

(à venir)

Dominique Figarella

(à venir)

Marie Bechetoille

« Au centre de l’espace plongé dans l’obscurité, un grand fauteuil, Ball Chair, icône futuriste des années soixante créé par Eero Aarnio, a été installé sur le sol en moquette beige. Vous prenez place dans ce confortable cocon pour voir et écouter l’écrivain de science-fiction Isaac Asimov donner sa vision de l’année 2014 suite à sa visite de l’exposition universelle de New York de 1964 ». Lire la suite

Léa Gauthier

« Regarder en arrière pour offrir aux lecteurs les linéaments d’une recherche n’est chose facile et rapide pour aucun artiste. C’est un moment d’arrêt, de constat, souvent un moment de crise, toujours un temps critique. Un éditeur n’est alors jamais simplement un conseil technique, comme un curateur dont l’espace d’exposition serait un livre… » Lire la suite

Dorothée Dupuis

« Lectrice et cinéphile passionnée, Lidwine Prolonge est une artiste et performeuse qui se nourrit depuis l’adolescence de récits multiples appartenant à des « genres » variés, du polar au teen movie, du film d’auteur à la pornographie, de la science fiction à la comédie musicale, développant un sens intrinsèque de la mise en scène, du récit et du « role playing ». S’arranger pour cadrer le réel de façon à… » Lire la suite

François Quintin

« J’ai aimé d’abord la suspension de son écriture… Lidwine Prolonge égraine des mots épars. Des morceaux jetés en pâture à l’imaginaire. Des phrases sans verbe, comme si les idées, les objets et les corps étaient en tous lieux les fragments orphelins d’un tout incommensurable… » Lire la suite

Cécile Desbaudard

« …Lidwine Prolonge accueille les visiteurs pour les diriger vers la cuisine. Vêtue d’une tenue blanche évoquant celle d’une infirmière (robe courte basique, collants, chaussures à petits talons), elle agit avec une certaine solennité – mouvements lents, posés – et réduit ses interventions verbales à la formulation de consignes. » Lire la suite

Catherine Redelsperger

« Le corps y est engagé. Celui de l’artiste et celui du spectateur.

La pensée est le corps et le corps est le pensé. » Lire la suite


Joseph Mouton

L’ÈRE D’AUTORITÉ SE TROUBLE

La présentation qu’on va lire a été écrite à un moment où l’album de photographies Something must be wrong était encore en chantier, chantier qui s’est poursuivi pendant le temps d’écriture et au-delà de lui, de sorte que les références que le présent texte fait aux pages de l’album de photographies sont presque toutes à ce jour caduques (wrong). On pourra prendre ce décalage du présent comme un jeu propre à l’esthétique de L. P.
J. M.

Prologue. Cela fait longtemps que Lidwine Prolonge a repéré ce mot de prologue et l’a élu parce qu’en faisant faire au u une cabriole (un demi-salto arrière) par-dessus le g de façon qu’il retombe sur ses deux bras (devenus ses deux pattes), on obtient le mot de prolonge, qui est le nom de l’auteur, son pseudonyme vrai. Elle me l’a fait remarquer il y a trois jours, alors que nous parlions de la préface que je dois écrire pour son catalogue en Catalogne. Dans la même conversation, elle a comparé son œuvre à un iceberg : on en voit seulement, disait-elle, la partie émergée, alors que les dix onzièmes demeurent sous la surface de visibilité esthétique. Plus tard, en feuilletant à nouveau l’album d’images et les photos qu’elle avait sélectionnés pour le présent ouvrage, j’ai eu cette vision d’un navire océanographique croisant par exemple à l’intérieur du cercle arctique et dont le personnel scientifique, forcé pour une raison ou une autre de demeurer dans les cabines de l’entrepont, ne pourrait voir de l’iceberg prodigieux qui passe le long du bâtiment que les détails de glace circonscrits par un hublot montant et descendant sous l’effet du roulis. J’exagère sans doute, mais mon image suivait une logique du double relais ou de la présentation redoublée qui opère en effet dans le travail de Lidwine Prolonge et le clive en deux chantiers différents : un premier rapport de présentation/dissimulation (en l’occurrence surface visible/profondeur invisible) y serait relayé par un deuxième rapport de cadrage/offuscation (dans l’image prolongée par mes soins : le hublot qui cadre la montagne de glace). Or je propose de rendre compte de ce redoublement structurel grâce au schéma suivant :

Oo1 ————–Po ———//——— Pf ————– Of1

Oo1 signifie l’Objet originel en tant qu’unité (supposée), Po signifie une présentation partielle de l’Objet originel, Pf, une présentation de Po selon la loi esthétique de l’Objet final (noté ici Of1, c’est-à-dire Objet final en tant qu’unité (supposée)). Pour autant que la présentation seconde (Pf) obéit aux lois de la présentation esthétique de l’objet final, elle doit « recadrer » la présentation de l’objet originel (Po). La double barre indique le clivage entre les deux chantiers de présentation. Je m’appelle Joseph Mouton, je suis l’auteur de la (présente) préface du catalogue. J’ai aussi été l’assistant de Lidwine Prolonge, par périodes et selon divers pourcentages, et elle m’a alors nommé Joseph Asimov. Quant au titre de ma préface, c’est un octosyllabe tiré du poème de Mallarmé Prose pour des Esseintes, le début d’une phrase qui court sur deux quatrains :

Lorsque, sans nul motif, on dit
De ce midi que notre double
Inconscience approfondit

Que, sol des cent iris, son site,
Ils savent s’il a bien été,
Ne porte pas de nom que cite
L’or de la trompette d’Été.

L’anarchiviste. En feuilletant à nouveau l’album d’images qui devrait précéder mon propre texte, si tout va bien, je me faisais réflexion que ces pages se présentent comme des documents culturels d’une façon si manifeste et si saturée que l’homme culturel que nous sommes pourrait s’en servir comme d’un miroir, distraitement, et y retrouver encore une fois le reflet de son visage fatigué de références et de citations, infiniment reconnaissable même si plongé dans le noir. Il y a les noms propres : Michelangelo Antonioni, Monica Vitti, Marcello Mastroianni, La Notte, Douglas Gordon, une actrice connue dans le catalogue de Douglas Gordon (mais on ne sait pas qui), le mot « psycho » et une réplique inidentifiable (what have you done with her ?), suivie de Psychose d’Alfred Hitchcock dont chacun sait que Janet Leigh y « pousse un cri à vous glacer le sang » (Internet), etc. Il y a donc le cinéma et ses légendes, ses sous-titres et les façons communes dont on cite le cinéma, dont on emprunte ses légendes, dont on détourne ses sous-titres, etc. Pourtant cette familiarité de miroir est trompeuse ; elle dissimule d’abord qu’un tel ramas de clins d’œil et de remontages fait œuvre et fait une œuvre au même titre et avec la même densité que n’importe quelle performance, vidéo ou installation de Lidwine Prolonge. Elle risque donc aussi de cacher la profondeur de l’entreprise ou sa convergence secrète. Or voici où se situe ladite profondeur : outre sa valeur d’archive commune (surface miroir), chaque document à une valeur d’archive personnelle ou de travail, car chaque document enregistre un moment de la vie de l’œuvre de L.P., de la vie de L. P. à l’œuvre comme de l’œuvre de L. P. se réfléchissant. Et par documents, il ne faut pas seulement entendre les « choses citées », il faut considérer aussi les modes de documentation, c’est-à-dire les différents supports et les différents médiums par lesquels passe la reproduction technique ; or si l’on suit cette piste, on se rend compte que les archives de L. P. forment surtout des empilements (sans relief matériel) et que ces empilements (photographie de téléphone portable montrant une image sur photocopie de photogramme, par exemple) finissent par s’inscrire tous sur un écran d’ordinateur (capture d’écran d’une capture d’écran, etc.), comme si l’œuvre au bout du compte n’avait pas plus de matérialité ni d’autorité qu’un dossier quelconque dans un Mac Intosh. C’est pourtant vrai : ici, l’œuvre consiste en ses seules archives électroniques, elle est les étapes de sa conception, les vues fragmentaires de son projet, les allusions aux noms propres qui l’autorisent, les mises en abyme (plat) où son inconsistance se réfléchit.

Forme de sens, double inconscience. En écrivant hier sur le navire océanographique qui croisait non loin du pôle Nord, il m’est fugitivement venu à l’esprit l’expression « double vue », peut-être à cause des jumelles avec lesquelles le Capitaine Haddock scrute l’horizon de l’océan arctique sur le pont de l’Aurore (in L’Étoile mystérieuse), mais plus certainement parce que le don de double vue (DDDV) se distingue des autres genres de voyance par le fait que celle ou celui qui le possède n’a pas besoin de médium (boule de cristal, marc de café, tarot, objet ayant appartenu à la personne disparue, etc.) pour « voir » ce qui advient et ce qui est écrit ; comme la vision se forme directement dans son esprit, elle conjoint presque en un seul acte mental ce que la divination sépare ordinairement en deux opérations bien distinctes, à savoir la donne et l’interprétation (des figures fournies par la donne). Or ce qui m’intéresse ici, c’est l’idée d’un sens qui adviendrait avant sa forme ou qui la déterminerait a priori, c’est l’idée d’un sens qui serait suffisamment autonome ou détaché pour négliger les formes objectives de son inscription. Le rêve procède ainsi, de même que les récits mythiques ou les scénarios de fantasmes, les phrases oraculaires, certains rituels, les événements marquants comme les actes spontanément symboliques… Pareillement, voyez-vous, Something Must Be Wrong ressemble-t-il à une forme psychique, à un schéma inobjectif et inobjectivable, qui pourrait se ramener à une phrase profonde, imprononcée ou à un récit sans auditeur ni conteur, à un rêve se nourrissant de photocopies, de bribes de film et d’écrans en cascade ou à ces trois modalités en même temps ; et c’est bien ce qui cloche, en somme, car laissée à sa logique de fuite, le Sens ne s’arrête à aucune clôture, ne se fige même en aucun texte, mais continue d’« associer librement » contre toute apparence esthétique fixée, contre toute forme de sculpture. Cela ne veut pas dire que Something Must Be Wrong est ininterprétable : tout au contraire, il sollicite l’interprétation jusqu’au délire. Mais à m’en tenir si possible en deçà, j’aimerais juste montrer trois ou quatre figures de signification et les prises d’interprétation y correspondant. D’abord, il y a le décadrage : on le voit advenir entre la page titre et la page 3, entre Something Must Be Wrong et « — Something must be wrong with me, but il will pass. » Le décadrage phrastique donne à comprendre que la phrase prononcée (par l’héroïne apparemment) explique la raison du malaise posé d’abord in absoluto : ce qui ne va pas c’est que c’est « avec moi ». La subjectivité, l’être-avec-moi viennent gâcher la forme-nuit, le psychique wronge la chose (et cela passera bien sûr, — ou ne passera pas)… Ensuite, je prendrai le fil de l’instance narrative (narrateur/trice, personnage, héros ou héroïne, actant, acteur/trice, auteur/e) qui procède de cette première réplique ; on l’identifie à nouveau dans le portrait en noir et blanc (presque double) de la jeune femme page 5 ; on la retrouve avec inquiétude page 7, où un psychologue, un psychopathe ou simplement certaine psychologie semble s’être débarrassé d’« elle » (with her répond à with me) ; tandis que pages 8 et 9, elle se dédouble entre une artiste-documentaliste-performeuse aux ongles vernis et Janet Leigh poussant « un cri à vous glacer le sang » (Internet) au moment de se faire poignarder dans la douche ; et se dédouble encore pages 9 et 10 entre la silhouette d’une jeune femme braquant un revolver et le nom propre de l’artiste L. P. associé justement au titre d’un polar (tandis qu’une troisième héroïne, la célèbre Jackie Kennedy, s’absente en douceur de la voiture visée par un appareil photo lors d’une reconstitution de l’assassinat fameux de son illustre mari) ; etc. Enfin, supposé que les bouts de signifiants dispersés çà et là cachent plus de sens que les structures pleinement reconnaissables (selon la figure du déplacement), voici la piste de Catherine Sullivan, auteure de the Chittendens (page 17, à la mention CATHERINE SUL/THE CHITTEN), que j’ai suivie dans la boule de cristal d’Internet jusqu’à trouver son interview de la Tate Gallery, dans laquelle elle déclare d’emblée, histoire de donner le ton : « Je pense qu’il y a une chose que vous pourriez dire du travail que j’ai produit, c’est qu’il espère être incertain, c’est qu’il espère être non conclusif, c’est qu’il espère être incohérent parfois » ; idem avec le livre tenu par L. P. comme devant un miroir (pages 32 et 33) où l’on peut lire à l’envers « J. G. BALLARD VERMILION SANDS », auquel Internet fait écho de la sorte : « Aussi, tout le monde ou presque se veut artiste à Vermilion Sands ; on ne compte pas les sculpteurs soniques, les architectes psychotropes, les poètes ou prétendus tels composant leurs œuvres au verséthiseur (jusqu’à ce qu’une muse pointe le bout de son nez arrogant…), les concepteurs et vendeurs de vêtements biotextiles, sans même parler des fameux sculpteurs de nuages de Coral D. » C’est la Villa Arson en 3015.

Autorité par la forme, autorité d’objet. Villa Arson, 2015 : la tendance n’est pas aux sculpteurs soniques, aux architectes psychotropes ou aux cyber-poètes prétendus. Les artistes imaginés par J. G. Ballard dans Vermilion Sands paraissent décadents parce que leur dilettantisme, leur goût d’une poésie personnelle, leur fantaisie ne forment pas une arène commune de contraintes et d’idéaux où lutter les uns avec les autres et s’étalonner virilement. Ils ont chacun une liberté artistique béante, parce qu’ils ne connaissent pas d’autre. À la Villa Arson au contraire, comme dans l’art contemporain envisagé du point de vue professionnel, il existe une telle arène et elle sert de forge et de fabrique à l’objectivité (cf. la formule « celui-ci est objectivement plus fort que celui-là »). Or abstraction faite des tendances esthétiques ou historiques diverses dont les productions contemporaines peuvent légitimement se barioler, ces productions doivent toutes en passer par la loi de la forme, par la visée de l’objet et par le chiffre de l’unité. Reportez-vous s’il vous plaît au petit mathème que j’ai fabriqué ici même dans Prologue et vous verrez que les opérations professionnelles s’y situent toutes dans la partie droite, entre Pf (présentation finale) et Of1 (Objet final en tant qu’unité (supposée)) ; — ce sont des opérations formelles. Ne caricaturons pas : les artistes professionnels sont tout à fait capables d’admettre divers genres d’informalisme, de comprendre que l’objet puisse disparaître au profit des relations qui le constituent ou le conditionnent et encore de concevoir des unités mal dénombrables ; les artistes professionnels ne forment pas non plus un corps si uni ni si institué (comme l’Ordre des médecins) qu’il ne puisse naître entre les uns et les autres des dissentiments à propos de n’importe quel principe. Cela étant, la loi de la forme, la visée de l’objet et le chiffre de l’unité dominent l’art entendu comme une profession. Question : quand vous parlez d’« Objet final en tant qu’unité (supposée) », vous voulez faire référence à des objets réels, à des œuvres par exemple, ou vous pensez plutôt à un objet idéal, comme un modèle à atteindre ? Réponse : ça peut être l’un ou l’autre. Le point est qu’avec l’avènement du capitalisme, la forme marchandise s’est saisie de la forme objet des œuvres (dont on trouve des versions dans les arts dits « primitifs » ou « premiers » aussi bien que dans l’idéal classique ou l’art moderne) pour en abstraire une valeur d’échange et transformer ainsi les œuvres en marchandises de l’esprit… Quoi qu’il en soit, la présentation est pour moi un travail, une activité qui consiste à rendre présent (actuel, actif, comptant ou affectant…) tout ce qui peut l’être. La présentation se subordonne en effet à l’objet final au sens large pour autant qu’elle travaille à produire une forme objet ; mais rien n’interdit de concevoir des présentations qui ne travaillent pas du tout dans le sens de l’objet. Et c’est là que j’en reviens à Lidwine Prolonge : toute son activité est prise entre la re-présentation d’une chose qui s’est déjà présentée d’elle-même ou dans le cours de l’activité artistique et la présentation d’une chose à venir, la projection de ce qui adviendra. Prenez mon schéma du Prologue et enlevez carrément les deux segments extrêmes (car ils ne correspondent à rien chez Lidwine Prolonge) ; à la place de Oo1, mettez plutôt un x qui signifie événement ou archive (événement enregistré) et à la place de Of1, notez par exemple un y pour événement à produire et/ou à documenter. En outre, ne croyez pas que ces deux types de présentations ne puissent pas s’entre-présenter l’une l’autre : il arrive souvent que L. P. travaille à la construction d’un événement à venir qui devra re-présenter l’archivage d’un événement passé, et il arrive de même que des événements extérieurs ou engendrés non intentionnellement perturbent la re-présentation en cause, de sorte qu’elle se déroule très différemment de ce qui était prévu (le futur est passé par le présent). Enfin, souvenez-vous que les modes de présentation dont dispose Lidwine Prolonge sont à peu près ceux que nous avons dégagés autour du don de double vue (DDDV) et des formes de sens « non objectives », à savoir la voie du faire (la performance au sens large), la voie de l’événement (ce qui vous arrive et vous affecte irréversiblement), la voie des phrases, la voie du récit, à quoi il faut sans doute adjoindre toutes les techniques d’enregistrement modernes qui permettent d’archiver au sens large. Question : vous voulez dire que Lidwine Prolonge n’appartient pas à l’art contemporain ? Réponse : non pas, mais disons qu’elle y est minoritaire.

L’événement futur passé (passé futur). Question : pour montrer le chevauchement des deux types de présentations, comme vous dites, dont s’occupe l’artiste, vous prenez l’exemple de la préparation d’un événement futur censé re-présenter un événement passé, mais vous seriez bien en peine, Monsieur Mewton, de prendre l’exemple inverse, soit la présentation d’un événement passé censé re-présenter un événement futur, ou je me trompe ? Réponse : vous vous trompez, car pour l’artiste Lidwine Prolonge, futur et passé sont deux sortes de fictions qui possèdent le même degré de véridicité ; par conséquent l’avenir peut être traité sur un même pied de sérieux (ou de scepticisme) que les temps révolus. Considérons s’il vous plaît 2064 cent ans plus tard, qui est un travail magistral à cet égard et auquel j’ai eu le privilège de participer. Début 2014, Lidwine Prolonge apprend (sur Internet) que l’on doit fêter le cinquantenaire d’un article écrit par Isaac Asimov en (donc) 1964. Or en 1964, sortant de l’exposition universelle de New York où il avait vu les toutes dernières innovations technologiques et industrielles de l’humanité, ainsi que quelques extrapolations sur ses progrès encore à venir, l’écrivain de science-fiction Isaac Asimov, peut-être piqué lui-même par ces tentatives d’anticipation, décida de rédiger un article dans lequel il décrirait l’exposition universelle de 2014 et donnerait à l’occasion un aperçu panoramique de la vie sur terre cinquante ans plus tard. Lidwine Prolonge décide elle-même de présenter cet essai d’anticipation en le réinscrivant dans le contexte des années 60. Comme je dois incarner l’écrivain visionnaire, je cherche parmi la quarantaine de vestes que je possède ma veste la plus asimovienne, idem pour la cravate (je suis heureusement collectionneur de cravates), puis Lidwine nous achète chez un opticien les « véritables lunettes d’Asimov ». Le tournage se fait en noir et blanc dans son atelier et pour le décor, Lidwine s’est contentée de projeter derrière moi une vue fragmentaire de l’appartement de Gérard Klein, l’écrivain et éditeur de science-fiction bien connu, dont elle avait réalisé une longue interview filmée quelques mois auparavant. Entre parenthèses, cette interview constituait si l’on veut le « pilote » d’une série d’interviews dont l’ensemble devait faire œuvre ou peut-être servir de matériau pour une œuvre ultérieure… Il s’agit à présent pour moi d’oraliser l’article : le spectateur aura de la sorte l’impression d’assister à une interview de l’auteur de science-fiction ou à une petite conférence. Je me permets d’insister sur ce point car il est caractéristique de la démarche de L. P. Le passage à une forme orale ressortit d’abord au travail de la présentation en ce qu’il rend la chose plus vivante, plus proche, plus actuelle ; il permet du même coup d’inventer un double de l’événement constitué par la publication de l’article, — une communication que l’auteur aurait faite fin 64, début 65 par exemple ; enfin, l’oralisation de l’écrit participe en l’occurrence à la déformalisation généralisée que L. P. fait subir à la plupart des matériaux dont elle s’empare, car si le Sens doit dominer, il faut qu’il surmonte la forme exacte, et tous les genres de transcription, de traduction, de transposition, de reconstitution, d’adaptation pourront ici faire l’affaire. 2064 cent ans plus tard fut d’abord présenté (en 2014) dans deux petites galeries de Clermont-Ferrand distantes de quelques centaines de mètres l’une de l’autre. Dans la première, on pouvait prendre connaissance du message d’Isaac Asimov en s’asseyant face à l’écran dans un exemplaire de la Ball Chair, créée dans les années soixante par le designer Eero Aarnio et caractéristique de cette période. Pour se rendre dans l’autre galerie (durant le vernissage en tout cas), on pouvait gracieusement se faire véhiculer par une Opel 1900 avec chauffeur (ce modèle datant de 1967 a des phares escamotables, un détail perçu comme futuriste à l’époque). Dans l’autre galerie, on trouvait pareillement une chaise signée, la One Chair de Konstantin Grcic (2003), qui ne déparerait pas les décors d’un film de science-fiction actuel. On pouvait donc s’asseoir sur ce siège pour se faire filmer en train de décrire soi-même les traits saillants de la civilisation sur terre en 2064, suivant l’exemple d’Asimov. Derrière la chaise et tenant lieu de décor télévisuel pour l’enregistrement, se trouvait la reproduction tirée en très grand d’une photographie en noir et blanc montrant un terrain de tennis privé à l’abandon, avec des herbes d’été. Résumons, l’événement ici est double : il advient une fois en 1964 (publication de l’article d’I. A.) et une fois en 2014 sous les espèces d’une reconstitution et d’une transposition de la prospective écrite en 1964 pour l’année 2014. L’événement double est ensuite lui-même redoublé dans sa structure par un dispositif permettant en 2O14 l’enregistrement de plusieurs discours prospectifs concernant l’année 2064. Tandis que la version 1964-2014 essaie de se fondre au maximum dans les années soixante, la version 2014-2064 concède un accroc à son atmosphère contemporaine orientée vers le futur, avec la photo en noir et blanc. Lidwine m’a interdit de révéler les circonstances dans lesquelles elle a été prise et partant l’événement qu’elle marque, parce qu’il relève de la sphère intime. Tout ce qu’on peut noter, c’est que personne n’y figure, il s’y ouvre au contraire une vacance ou des vacances et les lieux s’y argentent d’un passé indéfini, sans date.

Fiction, reconstitution, réel. J’ai pensé assez tôt que si j’avais contracté le surnom de Joseph Asimov à jouer les vaticinateurs de science-fiction dans le film de Lidwine Prolonge, la logique combinatoire {(a, b)(1, 2)} m’offrait le pseudonyme symétrique d’Isaac Mouton, que mon sens de la vraisemblance phonétique autant que culturelle m’a fait rectifier tout de suite en Isaac Mewton. Un peu de la même façon que Deleuze et Guattari ont tiré de l’œuvre de Conan Doyle la figure du génial et irascible professeur Challenger pour présenter leurs thèses dans le troisième plateau de Mille Plateaux, considérez-moi donc rétrospectivement comme le savant moitié chauve, moitié hirsute, Isaac Mewton, qui théorise l’œuvre de Lidwine Prolonge depuis l’intérieur de son art-fiction et le fantoche jovial qui aura rédigé la préface que vous lisez. Lidwine Prolonge — est-il besoin de le souligner ? — s’intéresse à la science-fiction, entre autres choses parce qu’elle trouve dans ses narrations tout un stock d’avenir écrit, disponible pour les présentations qu’elle machine ; mais son art utilise plus généralement le mode de la fiction, à commencer peut-être par l’autofiction. Considérons par exemple La Cité de la musique. Mon ami Dominique Figarella a dit qu’il y voyait le portrait d’une femme de pouvoir. Personnellement, cela ne m’avait pas frappé, j’avais plutôt été sensible aux beiges de la banquette et du sol, aux trop amples courbes du siège, à quelque chose de spacieux et vacant qui m’avait rappelé l’intérieur de la station spatiale dans 2001 : Odyssée de l’espace, là où Floyd, en route pour Clavius, croise son homologue russe, qui aimerait bien percer le black out américain. Quoi qu’il en soit, cet autoportrait pris au retardateur fictionnalise Lidwine Prolonge si puissamment et si discrètement à la fois que d’instinct nous cherchons de quelle fabrique de simulacres lui vient son air d’ailleurs, son aura, sans tenir toutefois aucune solution convaincante (serait-ce pas plutôt un mannequin pour Thierry Mugler ? l’héroïne de L’Après-midi de Claire ? la fausse violoniste qui disparaît tout au début de La Maison de verre ?). Il est vrai que la beauté symétrique de Lidwine Prolonge, sa réserve dépourvue de froideur, sa sympathie dépourvue de chaleur lui ouvrent déjà presque tous les seconds rôles. C’est une espionne. Cependant, tout comme le terrain de tennis en noir et blanc avec ses herbes d’été, La Cité de la musique marque une date à quoi correspond un événement biographique (L. P. m’interdit d’en rien révéler). L’autofiction touche donc toujours au réel de ce qui arrive au sujet, mais le masque ; de ce fait, elle clive le sujet entre une femme absente et une actrice attendant indéfiniment ses rôles ou les jouant tous ensemble à blanc. La mimésis n’a pas tant d’importance que ça chez Lidwine Prolonge, elle serait plutôt le lubrifiant anonyme de la symbolisation, c’est-à-dire l’air lointain dans lequel quelqu’un répète les actes de l’événement ou commente une vidéo dans laquelle on la voit elle-même commenter une vidéo. Dans 26 juin, il s’agissait de reproduire un événement très particulier, puisque entièrement négatif. Le 26 juin 1967 en effet, Françoise Dorléac ne se présenta pas à la porte d’embarquement où l’attendait son vol à l’aéroport de Nice, et comme on peut le supposer sans risque, il dut y avoir au moins une annonce demandant à Mademoiselle Dorléac de bien vouloir se présenter, etc. Elle venait de se tuer au volant de sa voiture à Villeneuve-Loubet, alors qu’elle se dirigeait vers l’aéroport. Or c’est précisément cette absence de l’actrice que Lidwine Prolonge a voulu « refaire » le 26 juin 2015 en pénétrant dans une salle d’embarquement de l’aéroport de Nice munie d’un billet au nom de Françoise Dorléac et d’un billet au nom de Lidwine Prolonge, pour un vol plus tardif, de façon à être présente lorsqu’une deuxième fois à quarante-huit années de distance, les hauts-parleurs allaient demander à Mademoiselle Dorléac de bien vouloir se présenter, etc. — et à enregistrer ce message. Dans une autre tonalité, le projet de la Villa Cyrnos vise à reconstituer quelque chose de ce qui se passa au moment où la Villa Arson, flanquée d’un bâtiment plus grand et plus récent que la villa rose d’origine, abritait — dit-on — des patientes atteintes de troubles psychiatriques sous le nom de Clinique Cyrnos. Cette période semble avoir été effacée des mémoires de même que les femmes qui y vécurent et y furent soignées n’ont pas laissé de traces. C’est comme s’il s’agissait dans tous les cas de réaliser une disparition féminine, soit de toucher activement et de faire toucher au réel d’une femme en tant qu’elle manque à être ici et toujours, ce qui est impossible en somme, sauf peut-être à se diviser.

Coïncidence et division. Dans son art et dans sa vie indissolublement, Lidwine Prolonge se projette au moins dans deux temps différents : premièrement dans la fiction d’un continuum futur passé dont atteste l’écriture (d’anticipation ou d’histoire) et qui ressemble de ce fait au destin. Une telle dimension ne possède pas de présent, car elle ne connaît pas l’actualité ou la réalité si l’on préfère : elle plane ; et puis il y a le temps réel, irréversible et dont l’irréversibilité agit constamment comme la fine lame du présent, coupant et détachant le volume du passé de son enveloppe future. On ne peut manquer de rapprocher cette dualité du couple Aiôn/Chronos conceptualisé par Gilles Deleuze dans Logique du sens. « L’Aiôn est la surface qui recueille le sens (…), [il est] le présent vide ou la sorte d’éternité où subsiste l’événement, toujours prêt à venir (futur) et toujours déjà passé (puisqu’il n’a pas de présent). (…) L’Aiôn comme forme vide du temps et fêlure du je, se déplace en « ligne droite »… » ((suppression)) « Le temps sera clivé, dédoublé, entre Chronos, plan de l’histoire et mélange des corps, et Aiôn, plan des devenirs, des événements et du sens… » (Philippe Mengue, in Le Vocabulaire de Gilles Deleuze). Toutes les performances de Lidwine Prolonge consistent en l’établissement d’une coïncidence entre le temps pur de l’événement (pour reprendre la formulation deleuzienne) et le temps présent qui nous lie dans sa contemporanéité. Lorsque les deux temporalités se touchent, il advient comme un court-circuit dans la conscience de ceux qui sont présents, qui ne les bouleverse pas ni ne les fait souffrir mais leur semble plutôt agréable, pour autant que l’instance psychique lésée par la coïncidence est précisément celle qui disjoncte instantanément dans l’opération (un je en chasse un autre). Lidwine Prolonge utilise fréquemment ce trope dramaturgique de s’adresser aux personnes présentes comme pourrait le faire un directeur de théâtre ou une ouvreuse avant que la représentation ne commence, alors que ces adresses se révèlent déjà partie intégrante de la performance ; elle recourt aussi volontiers au trope inverse. Ces courts-circuits, qu’il s’agit de constamment réactiver sous diverses formes, sont certainement ce qui confère aux performances de l’artiste leur qualité particulière, assez loin de ce que l’histoire de l’art a jusqu’à présent défini comme performance. Ainsi c’est moins l’artiste performeuse que nous voyons agir et parler devant nous qu’une officiante de la coïncidence. Et la performance qu’elle effectue a plus d’affinité au fond avec ce que l’on nomme ainsi en linguistique : une actualisation du virtuel de la langue (en l’occurrence, il faudrait remplacer le mot « langue » par le mot « événement »). Comme je l’ai suggéré plus haut, la coïncidence tend à fondre deux temporalités opposées en chaque sujet qu’elle affecte mais produit « en même temps » (dans un temps qui n’existe pas du tout ou qui est impossible) une division du sujet (aussi éphémère ou imperceptible que l’instant de fusion). Possible que Lidwine Prolonge reproduise cette division interne en la présentant à nouveau via une division externe, qui passe cette fois entre les spectateurs-participants : combien de fois n’a-t-elle pas recouru à des procédés de discrimination ou d’exclusion à l’issue desquels telle partie du public fera une expérience que telle autre ne fera pas (mais verra…). Ses performances pour une seule personne s’adressent par exemple secrètement à quelqu’un dans l’assistance, en sorte que lui seul est personnellement atteint par des paroles ou des actions qui paraissent au contraire s’adresser à tous. Avant d’être un possible motif psycho (= psychanalytique), la femme disparue se tire sans doute structurellement des coïncidences que machine Lidwine Prolonge, s’il est vrai que l’expérience la plus forte que proposent celles-ci est en effet le fading d’un sujet, la disparition d’une instance psychique, soit la mort de quelqu’un. Au terme de cette étude, je comprends que je n’ai plus assez de temps pour expliquer au lecteur en quoi l’ère d’autorité se trouble chez Lidwine Prolonge. J’espère qu’il se contentera ici d’un simple ornement littéraire (ou conceptuel) en guise de coda. Tout le poème de Mallarmé exalte une excursion irréelle et vraie qui réunit jadis le poète et sa sœur ((Nous fûmes deux, je le maintiens)) ; mais les deux figures s’effacent dans les deux derniers quatrains, comme si le discours continuait sans je ni elle ; et à leur place apparaissent de loin une enfant et son ancêtre putative, absolument non contemporaines l’une de l’autre quoique étrangement proches encore par la chronologie. Je recopie donc les deux strophes finales en les barrant, parce j’aurais dû plus utiliser le trait de barre dans ma préface, et pour que ça fasse artistique :

L’enfant abdique son extase
Et docte déjà par chemins
Elle dit le mot : Anastase !
Né pour d’éternels parchemins,

Avant qu’un sépulcre ne rie
Sous aucun climat, son aïeul,
De porter ce nom : Pulchérie !
Caché par le trop grand glaïeul.

Joseph Mouton


 

Thomas Clerc

(à venir)


 

Dominique Figarella

(à venir)


 

Marie Bechetoille

CONDITIONNEL FUTUR

Au centre de l’espace plongé dans l’obscurité, un grand fauteuil, Ball Chair, icône futuriste des années soixante créé par Eero Aarnio, a été installé sur le sol en moquette beige. Vous prenez place dans ce confortable cocon pour voir et écouter l’écrivain de science-fiction Isaac Asimov donner sa vision de l’année 2014 suite à sa visite de l’exposition universelle de New York de 1964. Les prédictions technologiques, démographiques, gastronomiques d’Asimov, publiées dans le New York Times à l’époque(1), ont été abondamment analysées et commentées sur Internet cette année, l’écrivain ayant vu juste sur de nombreuses évolutions sociétales : « L’hypothèse la plus sombre que je puisse faire pour 2014 est que dans une société de loisirs forcés, le mot travail sera le plus valorisé du vocabulaire ! »(2). Mais celui que vous avez en face de vous est en réalité un faux Asimov, interprété par le poète Joseph Mouton, qui surjoue son rôle avec malice, et par cette tonalité parodique renforce le décalage entre les prévisions et notre présent(3). Notamment le passage sur « la ménagère robotique » qui nous rappelle que cinquante années de combat féministe n’auront pas été de trop : « L’une des principales attractions du pavillon IBM à l’Exposition Universelle de 2014 pourrait être une femme de ménage robotique, gauche et grosse, bougeant lentement mais cependant capable de ramasser, ranger, nettoyer et manipuler divers appareils. »

Autre lieu. Un plateau de tournage. Une chaise, Chair One, icône futuriste des années 2000 conçue par Konstantin Grcic, devant une immense photographie en noir et blanc d’un terrain de tennis laissé à l’abandon. Vous prenez place sur ce siège anguleux et ajouré, pour voir et écouter vos contemporains se projeter en 2064. L’un d’eux parle « d’une machine qui servirait à savoir ce que pense son voisin et qui est capable de reformuler les images ». Vous pouvez également à votre tour donner votre vision de notre futur monde en étant filmé ou enregistré par l’artiste pendant la durée de l’exposition. Plus qu’une vision de l’année 2064, le film semble dire à la fois la volonté et la difficulté contemporaine à se projeter dans l’avenir et à l’imaginer.

La double exposition « 2064 cent ans plus tard » présentée à La Permanence et à In extenso est révélatrice de la pratique multidimensionnelle de Lidwine Prolonge par ses allers-retours temporels. Fiction et réalité, psychanalyse et enquête, hypnose et mise en scène, scenarii et improvisations, l’artiste convie chacun à intervenir dans les mondes qu’elle génère. Ses performances sont le plus souvent des dispositifs pour un spectateur unique. Prenant note sur une machine à écrire, enregistrant, filmant, elle questionne et récolte souvenirs, confessions, fantasmes et projections. La performance apparaît comme une captation d’un réservoir de récits quotidiens, qui suite à un processus de montage ouvre de nouvelles potentialités narratives et entre en interaction avec des références et des procédés littéraires et cinématographiques. Dans des pièces plus récentes(4), les spectateurs écoutent les yeux fermés, comme sous hypnose, l’artiste leur raconter des performances antérieures. Même lorsque le public est pluriel, l’expérience est singulière et provoque cette sensation fugace de dédoublement, de déjà-vu, voir d’ubiquité. C’est ce pouvoir de la représentation, « l’action de replacer devant les yeux de quelqu’un », que l’artiste devenue « médium » dévoile par un principe d’activation de situations vécues et/ou inventées. « Que sera 1939 ? » demandait-elle déjà en 2010 à partir de documents diplomatiques et d’un livre d’astrologie(5). Et c’est dans cette boucle, ce retour vers le même mais autrement, cette imbrication de temps et d’espaces a priori distincts qu’elle emmène le spectateur. De la même façon que le genre de la science-fiction et les récits utopiques pensent le futur pour mieux appréhender le présent par la distance de la projection, l’artiste provoque des moments hors du temps et à l’intérieur de soi. Dans son ouvrage Futur antérieur Arnauld Pierre écrit : « Contrairement à sa cousine, l’anticipation, la rétrocipation ne projette pas le futur à partir des virtualités du présent, mais conjugue au futur antérieur les visions d’un avenir désormais dépassé »(6). Le travail de Lidwine Prolonge pourrait quant à lui se définir comme une extrapolation du présent à travers une interpolation simultanée du futur et du passé, un paradoxal et impossible double mouvement entre fiction et réalité à conjuguer au « conditionnel futur ».

Si en 2064, le monde sera irrémédiablement différent, l’artiste nous invite à prendre le temps de regarder ce futur à la fois proche et lointain. « Les montres sont infidèles tant que nous sommes vivants, inutiles lorsque nous avons trépassé, exactes à l’heure de notre mort »(7). Dans ce vertige de la réflexion temporelle, il est toujours possible de voir ce qui peut se faire ici et maintenant. Par le biais de performances « scénographiées », Lidwine Prolonge interroge et réactive nos visions de ce qui peut être mis et remis en mouvement dans les multiples intervalles qui composent le présent. Comme l’écrit Jankélévitch : « L’intervalle n’est pas seulement une durée à durer, mais une aventure à courir ; l’intervalle est un fourmillement d’instants, et, en outre, il est la carrière de l’occasion »(8).

Marie Bechetoille

1-http://www.nytimes.com/books/97/03/23/lifetimes/asi-v-fair.html
2-http://www.framablog.org/index.php/post/2013/08/29/asimov-2014
3- « L’une des principales attractions du pavillon IBM à l’Exposition Universelle de 2014 pourrait être une femme de ménage robotique, gauche et grosse, bougeant lentement mais cependant capable de ramasser, ranger, nettoyer et manipuler divers appareils. Cela amusera sans aucun doute les visiteurs de disperser des débris sur le sol afin de voir cette ménagère robotique les enlever maladroitement et les classer entre « à jeter » et « mettre de côté » »
4-Oblique Travellers #3 (2012) et Pourquoi les rats refont surface (2012)
5-« Que sera 1939 ? », 2010, performance, 40 min. Créée le 12 octobre 2010 à Montévidéo, Marseille, pour le festival ActOral, sur une invitation de Triangle.
6-Arnauld Pierre, Futur antérieur – Art contemporain et rétrocipation, Paris, éd. M19, collection 20/27, 2012, p.71
7-Les montres infidèles, 2009, performance, 45 min. Créée le 27 novembre 2009 à Nadin pour la Public School de Bruxelles. Sur une invitation de Damien Airault, (Le Commissariat) et de Komplot.
8-Vladimir Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, I. La Manière et l’Occasion, Paris, éd. Du Seuil, 1980, p.121

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Léa Gauthier

Regarder en arrière pour offrir aux lecteurs les linéaments d’une recherche n’est chose facile et rapide pour aucun artiste. C’est un moment d’arrêt, de constat, souvent un moment de crise, toujours un temps critique. Un éditeur n’est alors jamais simplement un conseil technique, comme un curateur dont l’espace d’exposition serait un livre, l’éditeur est une écoute et un regard, une force de proposition. Souvent son travail procède d’une maïeutique : les oeuvres sont déjà là mais la promiscuité qu’offre l’enchaînement des pages accouche d’un récit plus ou moins explicite, plus ou moins littéral ou linéaire, à considérer dans tous les cas… que faire de ces espaces entre les oeuvres ? Oui c’est cela  : un catalogue d’artiste, c’est avant tout l’histoire des vides, des blancs, des trous entre les œuvres. Ces vides, ces blancs, ces trous entre les œuvres, Lidwine Prolonge les avait déjà ressaisis à travers une disparition, une question anthropophagique : Qui a mangé Virginia Woolf ?
Dans son livre, elle a peuplé les espaces entre ses œuvres performatives et plastiques de la disparition/incorporation d’un écrivain, et ce n’est pas un tour rhétorique : doubler les vides d’une disparition récurrente, c’est faire trembler ou résonner ces espaces, les affirmer et leur offrir une béance assumée. Dans la structure de son ouvrage, l’apparition progressive de la couverture d’un livre qui n’existe pas dit la complexité des temps et des espaces qui séquence les périodes de son travail. D’emblée, son livre m’a plu et nous avons très vite décidé de l’éditer, même s’il n’est manifestement pas si simple de faire tourner les tables, et en l’occurrence de faire paraître une disparition.

Léa Gauthier
(à l’occasion de la sortie de Qui a mangé Virginia Woolf ?, 2011, monographie, Blackjack éditions)

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Dorothée Dupuis

Lectrice et cinéphile passionnée, Lidwine Prolonge est une artiste et performeuse qui se nourrit depuis l’adolescence de récits multiples appartenant à des « genres » variés, du polar au teen movie, du film d’auteur à la pornographie, de la science fiction à la comédie musicale, développant un sens intrinsèque de la mise en scène, du récit et du « role playing ». S’arranger pour cadrer le réel de façon à ce qu’il puisse se voir en 16/9e de façon figurée, faire de l’audience de ses performances les protagonistes d’une fiction dont elle seule connaît le dénouement, se costumer à la manière d’une héroïne hitchcockienne pour mieux nous faire croire au conte vénéneux qui se déroule sous nos yeux, autant de procédés qui permettent à Lidwine Prolonge de faire se confondre imaginaire et réalité, de nous faire douter de nos automatismes, de nos réactions, de nos préjugés ou de les conforter, au contraire, jusqu’au malaise.
Formellement, qu’il s’agisse de films (combinant « found footage » et parties filmées par l’artiste), de performances (participatives ou non), de lectures (assemblant extraits de textes romanesques et prose maison), d’installations (faites d’objets semi-trouvés semi-bricolés tels des « props » à la fonctionnalité incertaine), ou encore de photos (et qu’on ne sache pas s’il s’agit de mise en scène ou de clichés préexistants), la pratique de l’artiste s’affirme comme ancrée dans une histoire de l’art bien spécifique. Lidwine Prolonge est en effet héritière des performeuses féministes des années 70, en ce qu’elle met en place une critique efficace des représentations, de genre par exemple, qui continuent de façonner la société contemporaine. Mais elle prend aussi acte des acquis de l’esthétique relationnelle où le corps du performeur agit plutôt comme une présence holographique, présente en creux, obligeant le spectateur à agir et à réaliser sa place active au sein d’un corps collectif éclaté, grignoté par des individualités grandissantes.

Dorothée Dupuis
(exposition Les Possédé(e)s, 2012, Triangle France, Marseille)

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François Quintin

J’ai aimé d’abord la suspension de son écriture… Lidwine Prolonge égraine des mots épars. Des morceaux jetés en pâture à l’imaginaire. Des phrases sans verbe, comme si les idées, les objets et les corps étaient en tous lieux les fragments orphelins d’un tout incommensurable.
Je me souviens d’une jeune femme en panoplie de secrétaire, tailleur gris et chaussures à talons, assise droite à sa table devant une machine à écrire d’un autre temps, qui emplissait l’espace froid d’un hall de gare TGV de percussions lexicales oubliées. Elle consignait des récits de voyages sans grande importance. Une main courante. «  J’ai voulu dormir, mais un gros monsieur m’a gêné  » ; «  j’ai pris un coca light au wagon-bar, il était très cher  » ; «  les enfants n’ont pas été sages  »… Elle tapait ces récits sur des bristols blancs qu’elle donnerait plus tard à d’autres voyageurs qui, à leur tour, prendraient leur train. Ces missives imprévues seraient pour eux comme les anticipations approximatives de leur devenir voyageur, des futurs antérieurs auxquels ils n’accorderaient peut-être pas plus d’importance que les prédictions d’un fortune cookie. Lidwine Prolonge affectionne les modes d’enregistrement les plus bruts du réel : la vidéo surveillance, le compte-rendu dactylographié en bonne et due forme, la déclaration lue et approuvée, le certificat d’identité… Elle s’y sent toute proche du moteur principal d’activation du réel : la fragilité des certitudes, l’intime étranger, l’inconstance du présent, l’imaginaire. Dans ses principes d’enregistrement ou de restitution, la déposition est retournée comme un gant, pour en presser la sécheresse et exprimer l’intime de l’insignifiant. Il n’y a pas de distinction entre réalité et fiction. Les protocoles qu’elle propose rendent ces frontières malléables. Le présent et l’identité sont interrogés, sous surveillance, comme les témoins à charge de leur propre altération. À l’émerveillement ingénu devant le tournoiement mécanique des galettes noires à succès des juke-boxes de bar-tabac se substitue un meuble à tiroirs austère, objet muet où sont consignées les listes des tubes qui ont accompagné des vies adolescentes, autant d’indices d’une recherche si hasardeuse de l’identité.
Les mondes se mêlent, s’emmêlent, entrelacent leurs temps et leurs espaces. Dans les lieux qu’elle occupe, tout est disposé pour confondre des plans, de l’appartement à la ville d’Izmir, du boudoir au piano blanc à la Grande Ourse, du bureau d’Anna aux tours de La Défense, du salon de Mrs. Dalloway à la gare de Langres…Dans sa façon de contraindre l’unité de temps et de lieu, Lidwine Prolonge est proche du monde du théâtre. Elle y emprunte également le sens du jeu, l’incarnation masquée si peu fréquente dans l’art, même celui de la performance souvent attaché à seulement mettre en crise des principes de réalité. Cependant, elle ne joue pas un rôle. Par sa présence habitée, elle partage avec nous, qui découvrons son œuvre, qui ouvrons maintenant les pages de ce livre, l’intuition lancinante d’un déjà vécu, d’un secret à découvert, hors du temps, un entre-deux de la conscience des objets et des mots d’où s’évapore une énigme silencieuse.

François Quintin
(préface de  Qui a mangé Virginia Woolf ? , 2011, monographie, Blackjack éditions)

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Cécile Desbaudard

Soylent System

Arrivée à l’appartement-galerie Interface à 20h. Il y règne une semi-obscurité.
Première pièce  : des matelas sont installés au sol, devant un grand écran (le film Soylent Green de Richard Fleischer sera projeté à 22h).
Deuxième pièce  : sur deux tables sont disposés des verres en plastique remplis d’une substance verte non identifiable. Un écran tv éteint est placé au-dessus de l’entrée du couloir.
Le couloir  : la projection d’extraits du film Soleil Vert à partir d’un écran tv éclaire le couloir qui conduit à la cave.
La cave  : l’accès est interdit mais la porte qui précède l’escalier est ouverte, il y a de la lumière dans l’escalier.

Lidwine Prolonge accueille les visiteurs pour les diriger vers la cuisine. Vêtue d’une tenue blanche évoquant celle d’une infirmière (robe courte basique, collants, chaussures à petits talons), elle agit avec une certaine solennité – mouvements lents, posés – et réduit ses interventions verbales à la formulation de consignes.
La cuisine  : pièce où sont regroupés les visiteurs, certains assis, d’autres debout. Des verres en plastique avec substance verte reposent sur un meuble. Une personne complice de Lidwine explique que cette substance est consommable, il faut pour cela se munir de cuillères en plastique. Quelques-uns tentent l’expérience  : se contentant d’abord de humer le contenu du verre, ils se risquent à en avaler une faible quantité pour constater, rassurés, qu’il s’agit de saveurs familières – trop sucrées, artificielles – mais familières  : de l’amande (  ?), du lait (  ?)… Un laps de temps s’écoule, quelques paroles sont échangées, à voix basse, entre les visiteurs qui se connaissent ou se rencontrent. Des regards étonnés, amusés, parfois inquiets se croisent. On finit par comprendre que quelque chose se joue derrière la porte de la cuisine, une mécanique que l’effet de surprise nous a empêché de percevoir. Régulièrement, cette porte s’ouvre, permettant à de nouveaux visiteurs d’entrer mais, lorsque l’on prend le temps d’observer ce qui se passe dans la pièce voisine pendant l’ouverture de la porte, il devient évident que d’autres visiteurs s’y sont regroupés, ils patientent eux aussi… Un nouveau laps de temps puis Lidwine réapparaît  : elle ouvre la porte et s’adresse au groupe – avec toujours une certaine solennité – pour demander si quelqu’un souhaite la suivre. Une personne se lève et la suit, bientôt suivie d’autres visiteurs  : ils quittent tous la cuisine, la porte se referme derrière eux. Certains connaissent déjà le sens de ces événements. Ceux qui les découvrent demandent une explication  : on leur annonce que, lorsque Lidwine ouvre la porte, deux possibilités s’offrent à chacun, la suivre seul ou s’intégrer à un groupe. Seule contrainte  : il sera impossible de cumuler les deux expériences. Un choix s’impose à chacun.
Quitter la cuisine pour suivre Lidwine constitue la première étape de l’expérimentation solitaire de Soylent System. Neutre, silencieuse, elle conduit le visiteur jusqu’à la cave. Le long du trajet, jusqu’au couloir, d’autres personnes – qui ont choisi d’appréhender collectivement la performance – observent la scène. À partir de l’escalier, le visiteur se retrouve seul avec Lidwine. Juste avant de pénétrer dans la cave, elle lui demande de bien vouloir se déchausser (ce qu’elle fait également).
Découverte des lieux quelques instants plus tard  : le sol de la cave est recouvert d’une moquette blanche, au fond, unique meuble de la pièce, une table d’opération recouverte d’un tissu orange. Suspendu au-dessus de celle-ci, un écran tv fermé est orienté en direction du repose-tête. Certaines personnes remarquent la présence d’une caméra aux côtés du repose-tête, d’autres non. Lidwine demande au visiteur de s’allonger sur la table puis lui explique qu’il va visionner un extrait du film Soleil Vert – celui concernant la mort du vieil homme Sol Roth, «  biblio  » du détective Robert Thorn – et que, dès la fin de cette projection, il pourra regagner l’espace collectif, en prenant le temps de faire une pause si nécessaire…
La table n’est pas confortable, surtout au niveau du repose-tête qui oblige l’adoption d’une position presque douloureuse pour le cou. Lorsque le visiteur est allongé, Lidwine lui demande s’il est prêt puis lance la projection et quitte la pièce.
Dans le film Soleil Vert, toute personne âgée qui souhaite en finir avec la vie (1) peut s’adresser à une institution prévue à cet effet nommée Le Foyer. L’euthanasie est planifiée, organisée (chacun répond à un bref questionnaire comprenant les mentions de sa couleur et musique favorites). Le moment venu, la personne est conduite par deux personnes – un homme et une femme en tenue blanche type toge – dans une salle munie d’une sorte de lit sur lequel elle est allongée (recouverte d’une couverture blanche mais dévêtue) pour assister, après avoir absorbé une boisson qui entrainera la mort, à la projection d’images accompagnées d’une musique et ambiance lumineuse adaptées à sa personnalité. Elle meurt sereinement, sans douleur, durant cette projection.
L’extrait choisi par Lidwine débute lorsque Sol Roth (dont la couleur préférée est le orange) est conduit par deux personnes du Foyer dans la salle où il va mourir et prend fin après son décès.
Le spectateur, tout en entendant la même musique que celle écoutée par le vieil homme, se retrouve dans des situations physique et spatiale proches de celui-ci – seul dans une pièce inconnue uniquement meublée d’une sorte de «  table-lit  » sur laquelle il est allongé, le regard tendu vers un écran – pour visualiser ce personnage fictif et les images qui lui sont projetées. La nature de cette scène ainsi que ce parallèle formel convoquent inévitablement les notions de «  vie  » et de «  mort  » dans l’esprit du visiteur, lesquelles se développent selon sa personnalité, son histoire mais aussi son éventuelle connaissance du film.
Une fois la projection terminée, chaque personne se relève, traverse la pièce, remet ses chaussures puis remonte l’escalier, plus ou moins rapidement. Dans l’escalier ou le couloir, Lidwine vient à la rencontre du visiteur pour discuter si cela semble nécessaire (l’un des visiteurs s’est effondré en larmes durant la projection). Puis, de retour au salon, elle lui explique que, alors qu’il vivait seul cette expérience, ceux qui sont restés dans le salon ont visionné l’écran situé au-dessus de la porte menant au couloir. Divisé en deux bandes horizontales, il présente dans la bande supérieure le vieil homme sur sa «  table-lit  » regardant vers son écran, dans la bande inférieure, celui qui expérimente la performance, en temps réel, selon un cadrage identique…
Aucune des deux expériences de Soylent System, quelle soit solitaire ou collective, ne permet l’acquisition d’une vision globale de la performance. Ces deux expériences ne sont pas distinctes mais complémentaires, seul le dialogue avec «  les autres  » permet la découverte théorique de ce qu’il n’a pas été possible d’expérimenter. Semblablement aux consommateurs des pastilles «  Soleil vert  », chaque visiteur ne perçoit qu’une partie de la réalité qui se déploie pourtant autour de lui…

Cécile Desbaudard
(exposition Appartement n°3, porte blanche, clef orange, Interface, Dijon (26 janvier-8 mars 2008, texte paru dans hors d’œuvre, n°23)

(1)Durant le film, le lieutenant Hatcher, chef du détective Robert Thorn, lui explique que son «  biblio  » – on pourrait traduire par «  documentaliste  » – est trop âgé et qu’il serait temps de prendre «  les mesures nécessaires  ». On comprend donc que, à partir d’un certain âge, les gens sont «  euthanasiés de force  »

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Catherine Redelsperger

Le monde de Lidwine Prolonge (extraits)

Le corps y est engagé. Celui de l’artiste et celui du spectateur.

La pensée est le corps et le corps est le pensé.

Le monde de Lidwine est un système. Il tisse des liens nombreux entre de multiples ingrédients, sur des plans divers. Bref, son système est complexe.

Lidwine et le cadre

Couloir, tracé au sol, fenêtre, porte, écran, baignoire, photo, deviennent cadre, guide du regard.  Lidwine nous mène par le bout de ses cadres.

Lidwine et la couleur

Rouge et vert. Les complémentaires, les antagonistes.
Rouge et vert. La fraise et la pistache.
Rouge et vert. Le feu et l’eau.
Rouge et vert. Le signal enregistre. Le signal du passage.

Lidwine et la lumière

Artificielle la lumière. Filtrée la lumière. Ombres projetées. La lumière cernée de noir.

Lidwine et l’invisible

Qu’est-ce qui est caché derrière la porte ?
Qu’est-ce qui est hors de mes yeux dans le placard ?
D’où sort le son de la baignoire ?

Lidwine et les interactions

Je suis celui qui voit celui qui est déjà mort à l’image et moi vivant je suis vu sur l’écran dans la position du mort vu par les vivants de l’autre côté du mur.

Lidwine et le corps

Lidwine est un corps parlant. Elle commente ses performances.
Lidwine est un corps en trois dimensions que je vois aplati sur l’image projetée sur le bureau stasi de son expérience de la bureaucratie kafkaïenne.

Lidwine et le parcours

Lidwine offre un chemin. Lidwine offre des passages, des seuils à franchir. Lidwine offre une initiation.

Lidwine et le spectateur

Le spectateur est respecté, rendu acteur, rendu voyant, parfois voyeur toujours questionné sur l’éthique du regard.

Lidwine et l’image

Vous connaissez les poupées russes, et bien c’est le même système mais la plus grande poupée rentre dans la plus petite.

Lidwine est Lidwine

Lidwine est Lidwine, son prénom, c’est déjà dire beaucoup d’elle.

Catherine Redelsperger

(projet Soylent Strawberry)