Pourquoi caches-tu tes yeux ?
Pour que tout devienne noir.
Pourquoi caches-tu tes yeux ?
Pour revoir les pivoines.
(tu mens, c’était des roses)
Alors la maison aux trois fenêtres ?
Est-ce celle qu’elle a choisie ?
On dit que oui, parfois.
Et sa belle-famille ?
Elle n’en jamais eu.
(tu mens)
Elle ne s’est pas mariée.
Et le pont, alors ?
Le pont ?
Elles sont là.
Tu vois bien qu’il n’y a personne.
(tu mens)
On voit même son fils.
(tu mens)
Elle n’a jamais eu d’enfants.
(tu mens)
Il a disparu.
Qu’a-t-elle fait ?
Elle a recommencé.
A-t-elle réussi à partir ?
Oui, tout à la fin…
Elle a vécu avec eux.
Il paraît qu’elle a vécu avec eux,
dans la grande maison.
Celle qui ressemble à une église ?
Non, celle aux trois fenêtres.
Elle a dit un jour
Que le ciel n’est pas bleu
(tu mens)
Tu as fermé les yeux.
Oui, pour que tout devienne noir.
Et les lunettes noires ?
Elle était veuve.
(tu mens)
Que désirait-elle ?
La même chose, les roses, une famille, un fils.
(tu mens)
C’était des pivoines.
Pourquoi fermes-tu les yeux,
toi qui me dis si souvent que tu ne dors pas ?
Pour que tout devienne noir.
Elle s’est réveillée, en pleine nuit.
en frissonnant à l’idée de passer la frontière.
A-t-elle été heureuse ?
Oui, nous avons été heureux.
Une fraction de seconde.
Que désirait-elle au fond ?
Que rose soit le mot pour dire pivoine,
dans une autre langue.
Et lui ?
Était-ce son amant ?
Elle n’a jamais eu d’amant.
Elle ne s’est pas mariée.
Tu n’étais pas là.
Et si elle s’était trompée ?
Elle aurait recommencé.
Est-ce un mariage ?
Ce sont ses fils.
C’est une reconstitution.
A-t-elle vécu deux histoires d’amour ?
Non. Elle a vécu une double histoire d’un amour.
(tu mens)
Elle a failli s’évanouir.
À cause du parfum capiteux des roses.
Elle a failli s’évanouir.
Elle n’a jamais capitulé.
A-t-elle eu peur ?
Oui, lorsqu’elle s’est éveillée, à la frontière.
On dirait qu’il y a eu un drame.
Ses affaires personnelles ont été retrouvées.
Le drame a-t-il eu lieu ?
Non.
Le drame a-t-il déjà eu lieu ?
Non.